Né du rêve de quelques jeunes sans emploi à la fin des années 80, la ferme-école SICHEM est devenue, au fil du temps, une structure d’encadrement, d’autopromotion, de production, de formation et d’appui pour un développement durable dans la préfecture de Zio. Implantée sur un site rural de 10 hectares, SICHEM se trouve à Avéta, à 25 km au Sud-Est de Lomé, non loin de la route Lomé-Vogan. Elle est spécialisée dans cinq secteurs d’activités notamment l’accueil, l’éducation, la formation des jeunes togolais désireux de s’investir dans l’entreprenariat agricole (agripreneurs), la construction de bâtiments en terre stabilisée et le développement rural.
Changement de paradigme
Appelés à s’adapter à des conditions de production en constante évolution, tant en milieu naturel que dans le contexte socio-économique, les agripreneurs doivent adopter des pratiques écologiquement soutenables. Il s’avère, pourtant, que les dispositifs de formation existants dans la plupart des centres de formation agricole étatiques et privés, se basent sur une approche productiviste plutôt qu’un modèle familial d’entrepreneuriat agropastoral et agroalimentaire sensible à l’environnement.
Pour que l’agriculture vivrière et écologique devienne un domaine de recherche et de formations reconnues, il est nécessaire de renforcer les espaces de partage de savoirs, où les techniques agroécologiques sont vulgarisées.
Comment les jeunes peuvent-ils devenir des acteurs de développement local voire national tout en réalisant leur projet entrepreneurial ? C’est à cette question que la ferme-école SICHEM tente d’apporter des réponses concrètes à travers les formations qu’elle offre. Ce centre propose, en neuf mois, une formation professionnelle de qualité ancrée dans la pratique et en prise avec les réalités locales.
« SICHEM croit d’abord en des hommes et non en les richesses minières et les technologies. Ce sont des hommes et des femmes qui vont apporter un changement dans le monde et non le contraire » affirme dans ce sens Dr Ferdinand Adindjita, membre du comité directeur du centre SICHEM et Directeur de l’Institut de Formation de Fondacio (IFF) en Afrique.
Une formation ancrée dans la pratique.
Le centre SICHEM accueille, pour l’année académique 2020-2021, près d’une quarantaine d’étudiants issus du Programme d’Incubation des Jeunes en Entrepreneuriat Agricole (PIJEA) de l’IFF Afrique. Sélectionnés sur la base de tests de discernement suivis de dépôt de candidature, les apprenants logent sur place et sont encadrés par des formateurs permanents qui remplissent, à la fois, les rôles d’animateur, d’enseignant et d’agriculteur-éleveur. Les modules sont essentiellement axés sur une formation complète en entrepreneuriat agricole, les techniques agricoles spécifiques, la production végétale et animale, la transformation agro-alimentaire, le reboisement et la production d’intrants.
Afin de constituer de solides ressources nécessaires à leur installation, la durée de la formation s’étale sur 9 mois répartis en sessions théoriques, pratiques et des sorties de terrain comme celle effectuée par les étudiants de SICHEM à la ferme-école bioénergie TMSU International de Dalavé, le 18 juin 2021. Le public cible de la ferme-école est constitué de jeunes togolais désireux d’entreprendre en agriculture dans leur communauté respective, qui sont accueillis sur place et restent en contact avec leurs formateurs afin de bénéficier d’appui-conseils.
A la fin de leur formation, les jeunes agripreneurs conçoivent un projet productif qu’ils soumettent aux formateurs qui les accompagnent pour sa mise en œuvre.
Une école en concordance avec la réalité locale.
La ferme SICHEM remplit la fonction de nourrir les hommes et femmes qui y travaillent (apprenants et formateurs) et de servir de cadre pédagogique pour l’enseignement théorique et d’espace d’apprentissage pratique. Par ailleurs, c’est une expérience ancrée dans l’agriculture locale. Le système de production reste à petite échelle et mobilise des moyens locaux (matériaux de construction, unités de transformation artisanale, alimentation des animaux). Ce qui assure sa reproductibilité et lui donne sa valeur comme base pédagogique.
Grâce à la construction d’un bio digesteur sur le site de SICHEM, fruit du partenariat avec TMSU International, les déchets issus de l’élevage sont également valorisés à bon escient.
L’avenir pour SICHEM
L’expérience de la ferme SICHEM est intéressante à plusieurs titres en l’occurrence, la promotion d’une agriculture familiale, durable et économe. Il a été démontré ailleurs que ce modèle est plus viable et peu coûteux car, il s’intègre facilement au milieu local.
Grâce à ses partenariats, SICHEM constitue un site privilégié de développement d’innovations agricoles et de test de solutions nouvelles. C’est le cas de la production de l’Artémisia Annua dont la demande a fortement augmenté. Ainsi, la ferme-école constitue le maillon d’un dispositif en réseau, pour une formation au métier d’agriculteur et transformateur, axée sur la pratique et ancrée dans les réalités locales.
Toutefois, la crise liée à la pandémie de COVID 19 est venue mettre à mal la durabilité de l’expérience pédagogique. En effet, même avec de bonnes performances techniques, les superficies cultivées et les ateliers de petit élevage sur lesquels travaillent les résidents, sont à peine suffisants pour couvrir les besoins élémentaires, sans parler de la rémunération incitative des formateurs qui a été réduite au plus fort de la crise sanitaire.
A l’instar de nombreux projets d’agriculture familiaux, le défi pour la ferme-école SICHEM est de trouver l’équilibre entre la production de la richesse et son apport comme moteur de développement social, entre le développement des partenariats et la maîtrise de son avenir et de ses choix.
La privatisation de la formation au métier d’agriculteur permet-elle de mieux répondre aux besoins de la profession ? L’État ne devrait-il pas contribuer, du moins en partie, les charges de cette fonction régalienne, surtout quand il affiche comme objectifs prioritaires la lutte contre la pauvreté et le développement de l’agriculture ? La réflexion doit être poursuivie sur ces points afin de promouvoir davantage les centres de formation privés qui embrassent ce secteur porteur de l’économie togolaise.
Julles AHADO
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