Femme agricultrice et très engagée dans le développement rural, Madame Colette Noumpoa Nakpergou reste aujourd’hui une référence dans le leadership agricole au Togo. « Sans la femme rurale togolaise, notre agriculture ne peut pas atteindre son niveau actuel. Les femmes constituent la cheville ouvrière de notre agriculture. Les femmes ne demandent que les moyens pour pouvoir donner le meilleur d’elles-mêmes et contribuer ainsi à la sécurité alimentaire », note clairement, Mme Nakpergou dans un entretien accordé au site Rural Infos et au Journal Agricole.
Vice-Présidente de la Coordination Togolaise des Organisations paysannes et de Producteurs Agricoles (CTOP), elle met tout son savoir en la matière et son expérience de plus de 20 ans au profit de cette grande instance pour la valorisation des petits producteurs agricoles et surtout de la gent féminine dans toutes les zones rurales sur l’étendue du territoire national.
« C’est la première fois dans l’histoire de la CTOP qu’une femme accède à ce poste de Vice-Présidence et je suis très sensible aux questions de femmes et de l’implication des femmes aux instances de prise de décisions. J’ai été également, la Présidente du Collège des Femmes, où je coordonnais toutes les organisations féminines au sein de la CTOP, pour permettre la visibilité des femmes et des activités des femmes au sein de la CTOP », assure cette dame à la cinquantaine, avec un visage débordant de joie et d’assurance en soi.
« Ce n’est pas tâche facile, mais par la grâce de Dieu, nous arrivons à jouer ce rôle, parce que, pour avoir fait des expériences je me dois de travailler et être à la hauteur pour qu’on ne dise pas demain que j’ai failli. Je dois pouvoir faire la fierté de mes collègues qui m’ont fait confiance et qui ont bien voulu que j’assume ce rôle », ajoute-t-elle.
Ayant une parfaite maîtrise des grands sujets de l’agriculture togolaise et africaine, Colette Nakpergou a toujours été à la hauteur dans les rencontres au plan national ou international face aux différents partenaires. Elle fait d’ailleurs partie des grands leaders paysans de la CTOP qui ont été aux côtés du gouvernement togolais pour la mise œuvre du programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA). A propos des projets initiés par le gouvernement au profit du monde agricole et rural, Mme Nakpergou se prononce en ces termes :
« Les différents projets et initiatives du gouvernement mis en place pour accompagner les agriculteurs sont salutaires parce qu’il y a un besoin sur le terrain pour pouvoir résoudre un certain nombre de problèmes des producteurs. Je pense que ces projets profitent aux producteurs. Même s’il y a des insuffisances, les producteurs en profitent. Si je prends le cas du Projet d’Appui au Développement Agricole au Togo (PADAT), il y a eu quand même des réalisations, des choses ont été faites et qui ont nettement permis aux producteurs d’améliorer leurs conditions de travail. En termes de magasins par exemple, c’est vrai que certains ne sont pas encore achevés, mais il faut reconnaître que les magasins de stockage permettent aujourd’hui d’améliorer la commercialisation des produits agricoles. Les producteurs stockent les récoltes dans de bonnes conditions et ont ainsi des produits de qualité grâce à ces magasins qui servent également de nos jours, de points de vente d’intrants. Avant, on ne disposait pas de telles infrastructures que l’on retrouve aujourd’hui un peu partout dans les cantons, et qui profitent énormément aux milieux ruraux. Les pistes rurales qui permettent le désenclavement des villages favorisent pleinement l’accès aux sites de production et aussi à l’amélioration de la commercialisation des produits.
Le Projet d’Appui au Secteur Agricole (PASA) avec les fonds compétitifs, a permis à beaucoup de coopératives et d’unités de transformations de bénéficier des fonds pour de se doter de meilleurs équipements de transformation et faciliter aussi la commercialisation des produits transformés. Pari ailleurs, l’introduction des géniteurs améliorés qui a également contribué à l’amélioration du cheptel. Le Programme de Productivité en Afrique de l’Ouest (PPAAO-Togo) a aussi travaillé sur la productivité agricole en améliorant les rendements et en travaillant en partie sur l’élevage, la transformation et l’innovation. En termes d’innovation, ce programme a accompagné les artisans dans la production des matériels agricoles adaptés afin d’alléger la tâche aux producteurs.
Notre agriculture aujourd’hui, est donc une agriculture tournée vers le marché. Quand nous prenons la filière soja, c’est une filière dans laquelle les producteurs se sont engagés et aujourd’hui, les résultats sont là, la position qu’occupe notre pays actuellement par rapport à la production du soja n’est pas anodine. C’est le fruit des efforts des producteurs avec l’appui du gouvernement qui a accompagné ce processus. C’est vrai qu’il n’y a pas de réussite sans difficultés, il y a toujours des difficultés mais nous avançons.
Notre agriculture est en pleine mécanisation ; aujourd’hui un accent particulier est mis sur les conditions de travail des producteurs, avec des facilités pour que les coopératives et des individus puissent acquérir des tracteurs à crédit et dans certaines préfectures, il y a des prestataires qui par le biais de ces crédits arrivent à acheter des tracteurs qu’ils mettent à la disposition des producteurs pour location. Le MIFA a été mis en place pour accompagner le financièrement l’agriculture ».
Abordant le sujet de l’agriculture familiale, Colette Nakpergou fait savoir qu’elle maintient non seulement la productivité du sol, elle nourrit les peuples et contribue à sauvegarder notre identité et notre culture. « Vous allez constater que dans toutes les régions du Togo, il y a des spéculations que chaque région, quel que soit la situation essaie de sauvegarder. Par exemple dans la région des Savanes d’où je viens, le petit mil ne peut jamais disparaitre, parce que ce mil rentre parfaitement dans nos traditions. Quand une femme accouche, c’est à base de ce mil qu’on lui prépare la bouillie afin qu’elle puisse avoir du lait pour l’enfant ; c’est donc extrêmement important, ça fait partie de notre culture. C’est aussi le mil que nous utilisons pour faire la bière locale. Tout ceci fait partie de notre culture, de notre identité. L’agriculture familiale nous permet donc de sauvegarder tout cela. Par ailleurs, quand on parle des forêts sacrées, l’agriculture familiale ne permet pas la destruction de telles forêts au nom de la production ! Nous la défendons parce qu’elle nourrit son homme et elle nourrit nos populations. Détruire l’agriculture familiale, c’est détruire plus de 50% de notre population qui vit de cette agriculture.
Par ailleurs, si nous défendons l’agriculture familiale, nous défendons un métier, parce que plus de la moitié de notre population aujourd’hui est dans l’agriculture. Donc nous la défendons parce qu’elle nourrit son homme et elle nourrit nos populations ; faire disparaître l’agriculture familiale, c’est mettre les agriculteurs en chômage, ceux-ci vont alors perdre leurs terres et se retrouver sans rien, c’est tout comme des gens qui perdent leurs emplois. »
Consciente de l’apport indéniable de la femme dans la croissance de l’économie nationale, Mme Nakpergou encourage davantage la femme rurale qui demeure au cœur de plusieurs initiatives.
« La femme rurale aujourd’hui est une femme qui touche à tout. Elle est dans l’agriculture, le commerce, la transformation. Sans la femme rurale, il y aura un manque à gagner parce que notre agriculture telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, la femme est au cœur de la production, c’est elle qui sème, c’est elle qui sarcle, c’est elle qui récolte, c’est elle qui transporte vers le marché ; dans les marchés, ce sont les femmes qui vendent les céréales, ce sont elles qui mobilisent les stocks, elles jouent un grand rôle. Aujourd’hui, beaucoup de femmes en milieu rural transforment les produits localement et elles font des activités génératrices de revenus, sans oublier les cultures de contre saisons, surtout le maraichage. On ne peut pas ignorer la contribution de la femme rurale dans l’économie nationale ».
Essodina
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